Édition du jeudi 28 juillet 2016
Choix des EPCI de rattachement pour les communes nouvelles : le Conseil constitutionnel appelé à se prononcer
Le Conseil constitutionnel va statuer, dans les semaines qui viennent, sur une question qui pourrait s’avérer importante pour l’avenir des communes nouvelles : un préfet peut-il, sans déroger au principe de libre administration des collectivités territoriales, imposer le rattachement d’une commune nouvelle à un EPCI différent de celui qui a été choisi par les élus ?
La question est posée par les élus de la communauté de communes des Sources du lac d’Annecy (Haute-Savoie), qui demandent l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté du préfet. Cet arrêté du 22 mars 2016 impose le rattachement de la commune nouvelle de Talloires-Montmin à la communauté de communes de la Tournette. De même, la commune nouvelle des Abrets en Dauphiné refuse son rattachement, décidé par le préfet, à la communauté de communes Bourbre-Tisserands.
Ces deux demandes, déposées au tribunal administratif de Grenoble, ont été transmises au Conseil d’État, lequel a décidé de poser la question au Conseil constitutionnel.
Les enjeux sont plus importants qu’on pourrait le penser, et dépassent le seul sort de ces deux communes nouvelles. C’est ce qu’explique Géraldine Chavrier, professeure à l’université Paris-I et spécialiste en droit des collectivités et droit constitutionnel. « Il faut d’abord comprendre qu’on est ici dans un cas particulier : celui de communes nouvelles dont les communes fusionnées appartenaient à des EPCI différents. Dans ce cas, l’assemblée délibérante de la commune nouvelle décide de l’EPCI de rattachement. Ensuite, il existe une procédure permettant au préfet de passer complètement outre, après intervention de la CDCI. »
Dans le cas qui nous intéresse, le préfet a donc décidé d’un autre rattachement que celui qui avait été choisi par les élus. Le cas n’est pas tout à fait nouveau, rappelle Géraldine Chavrier : en 2014, le Conseil constitutionnel avait déjà répondu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur un sujet assez similaire, concernant la commune de Thonon-les-Bains. « Le Conseil avait alors estimé que certes, le préfet peut forcer le rattachement à un EPCI au nom de l’intérêt général prédominant de couverture intercommunale, mais qu’il devait respecter un certain nombre d’obligations : notamment, consulter le conseil municipal de la commune concernée et l’organe délibérant de l’EPCI d’accueil. Le Conseil avait aussi expliqué que ces pouvoirs exceptionnels du préfet ne pouvaient être que temporaires. »
Appliquée à la situation des deux communes nouvelles de Haute-Savoie, cette décision aurait dû imposer au préfet de consulter les communes pour leur demander ce qu’elles préféraient – ce qui n’a pas été fait. Pas plus que n’a été consulté l’EPCI d’accueil. « Et surtout, appuie Géraldine Chavrier, ce qui est pour moi le plus important, est que cette procédure n’est pas temporaire : rien ne vient limiter dans le temps le pouvoir renforcé du préfet sur cette question spécifique des communes nouvelles. »
La question est notamment de savoir si, en l’espèce, la notion « d’intérêt général prédominant », évoquée par le Conseil constitutionnel en 2014, est ici applicable. « Si l’on part de l’idée que l’intérêt général est de réduire le nombre de communes, la création de communes nouvelles va précisément dans ce sens ! À mon sens, la notion d’intérêt général s’applique bien plus fortement à la création de communes nouvelles, démarche volontaire des élus, qu’à l’intercommunalisation, qui est une sorte de pis-aller pour lutter contre l’émiettement communal ». Or, redoute l’avocate, « si on oblige des communes nouvelles à adhérer à un EPCI qu’elles ne souhaitent pas, cela peut freiner la dynamique des communes nouvelles. C’est donc totalement contre-productif. »
Une violation du principe de libre administration des collectivités ne pouvant se faire qu’au nom du principe d’intérêt général, il faudra donc que le Conseil constitutionnel décide si l’intérêt général peut être évoqué ici, ce que réfutent les auteurs de la nouvelle QPC. Avec, en filigrane, une question essentielle : le Conseil va-t-il estimer que l’achèvement de la carte intercommunale est plus important, plus conforme à l’intérêt général, que la fusion de communes au sein de communes nouvelles, ou l’inverse ? Certes, la question ne concerne que les communes nouvelles « à cheval » sur plusieurs EPCI, ce qui n’est pas la majorité des cas, loin de là. Mais ce serait quand même un signal négatif envoyé aux élus désireux de fusionner, redoute Géraldine Chavrier.
Réponse probablement au cours du mois d’août.
La question est posée par les élus de la communauté de communes des Sources du lac d’Annecy (Haute-Savoie), qui demandent l’annulation pour excès de pouvoir d’un arrêté du préfet. Cet arrêté du 22 mars 2016 impose le rattachement de la commune nouvelle de Talloires-Montmin à la communauté de communes de la Tournette. De même, la commune nouvelle des Abrets en Dauphiné refuse son rattachement, décidé par le préfet, à la communauté de communes Bourbre-Tisserands.
Ces deux demandes, déposées au tribunal administratif de Grenoble, ont été transmises au Conseil d’État, lequel a décidé de poser la question au Conseil constitutionnel.
Les enjeux sont plus importants qu’on pourrait le penser, et dépassent le seul sort de ces deux communes nouvelles. C’est ce qu’explique Géraldine Chavrier, professeure à l’université Paris-I et spécialiste en droit des collectivités et droit constitutionnel. « Il faut d’abord comprendre qu’on est ici dans un cas particulier : celui de communes nouvelles dont les communes fusionnées appartenaient à des EPCI différents. Dans ce cas, l’assemblée délibérante de la commune nouvelle décide de l’EPCI de rattachement. Ensuite, il existe une procédure permettant au préfet de passer complètement outre, après intervention de la CDCI. »
Dans le cas qui nous intéresse, le préfet a donc décidé d’un autre rattachement que celui qui avait été choisi par les élus. Le cas n’est pas tout à fait nouveau, rappelle Géraldine Chavrier : en 2014, le Conseil constitutionnel avait déjà répondu à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur un sujet assez similaire, concernant la commune de Thonon-les-Bains. « Le Conseil avait alors estimé que certes, le préfet peut forcer le rattachement à un EPCI au nom de l’intérêt général prédominant de couverture intercommunale, mais qu’il devait respecter un certain nombre d’obligations : notamment, consulter le conseil municipal de la commune concernée et l’organe délibérant de l’EPCI d’accueil. Le Conseil avait aussi expliqué que ces pouvoirs exceptionnels du préfet ne pouvaient être que temporaires. »
Appliquée à la situation des deux communes nouvelles de Haute-Savoie, cette décision aurait dû imposer au préfet de consulter les communes pour leur demander ce qu’elles préféraient – ce qui n’a pas été fait. Pas plus que n’a été consulté l’EPCI d’accueil. « Et surtout, appuie Géraldine Chavrier, ce qui est pour moi le plus important, est que cette procédure n’est pas temporaire : rien ne vient limiter dans le temps le pouvoir renforcé du préfet sur cette question spécifique des communes nouvelles. »
La question est notamment de savoir si, en l’espèce, la notion « d’intérêt général prédominant », évoquée par le Conseil constitutionnel en 2014, est ici applicable. « Si l’on part de l’idée que l’intérêt général est de réduire le nombre de communes, la création de communes nouvelles va précisément dans ce sens ! À mon sens, la notion d’intérêt général s’applique bien plus fortement à la création de communes nouvelles, démarche volontaire des élus, qu’à l’intercommunalisation, qui est une sorte de pis-aller pour lutter contre l’émiettement communal ». Or, redoute l’avocate, « si on oblige des communes nouvelles à adhérer à un EPCI qu’elles ne souhaitent pas, cela peut freiner la dynamique des communes nouvelles. C’est donc totalement contre-productif. »
Une violation du principe de libre administration des collectivités ne pouvant se faire qu’au nom du principe d’intérêt général, il faudra donc que le Conseil constitutionnel décide si l’intérêt général peut être évoqué ici, ce que réfutent les auteurs de la nouvelle QPC. Avec, en filigrane, une question essentielle : le Conseil va-t-il estimer que l’achèvement de la carte intercommunale est plus important, plus conforme à l’intérêt général, que la fusion de communes au sein de communes nouvelles, ou l’inverse ? Certes, la question ne concerne que les communes nouvelles « à cheval » sur plusieurs EPCI, ce qui n’est pas la majorité des cas, loin de là. Mais ce serait quand même un signal négatif envoyé aux élus désireux de fusionner, redoute Géraldine Chavrier.
Réponse probablement au cours du mois d’août.
F.L.
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